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Quand
la Révolution éclata, les enfants de Limoëlan avaient entre 13 &
22 ans. L’aîné Michel s’était marié à une riche Nantaise Marie
Sophie Drouin, le couple vécut
non loin de Nantes au manoir du Plessix,
cinq enfants naquirent à leur foyer : Henriette Picot de
Limoëlan (1797-1874) épousa
Philippe Bonjour dont le
fils, l’héritier de Limoëlan devait mourir accidentellement au Gué
de Rouillac en 1886. Emilie Picot
de Limoëlan (+ 1886) ; Samuel Picot de Limoëlan ; Michel
Picot de Limoëlan (1793-1824) fiancé à sa cousine Marie-Thérèse
de Chappedelaine ; Louise Picot de Limoëlan (+ 1856). Joseph,
faute de guerre, est réquisitionné comme tous les militaires pour des
travaux d’intérêt général, en 1789 son régiment rejoint St-Lô,
en réalité, les idées révolutionnaires alors aux goûts du jour
risquent de contaminer l’armée, c’est la raison pour laquelle les régiments ne restent pas
longtemps dans la même garnison. Mais
Joseph préfère rejoindre les siens tantôt à Limoëlan, tantôt à
Nantes où séjourne Madame
de Limoëlan, en effet celle-ci préfère
les douceurs des bords de Loire au climat de Limoëlan. Dans
un premier temps, M. de Limoëlan est plutôt favorable aux idées révolutionnaires,
il sera même élu vice-président du district de Broons quand les
nouvelles institution seront mises en place au cours de la deuxième
quinzaine de juin 1790. Cependant, la condamnation & l’exécution
du Roi, puis de la reine Marie-Antoinette, et ce régime de
terreur qui va s’abattre sur le pays auront raison de sa bienveillance
à l’égard du nouveau régime. Il faut dire que son cadet, le Père
de Clorivière n’a jamais caché son hostilité à l’égard des idées
en cours, ainsi dans l’église de Sévignac, le 2 juin 1791, jour de
Pentecôte, il tint en chaire des propos particulièrement virulents
contre les réformes en cours. Interrogé sur le pourquoi d’un tel
discours, le père de Clorivière répondit : Le père de Clorivière
La
fuite de Varennes avait entre temps touché Sévignac, les officiers de
la garde de Broons et de Sévignac viennent au château et s’emparent de
cinq fusils et y restent en faction. M. de Limoëlan promet de ne pas
quitter Limoëlan, il en donne sa parole au Maire Petitbon.
Le maître des lieux et la bonne Belleville furent faits
prisonniers d’honneur. Puis bientôt tout semble rentrer dans
l’ordre, Alain Picot de
Limoëlan réintègre son domaine, suivi de ses filles Hélènée et Amélie,
leur frère Victor embarque sur la frégate la Fidèle ,
croise au large de Quiberon et de Lorient avant de partir pour l’Isle
de France. Mais soudain
c’est la fermeture des lieux de culte, la vieille chapelle de Limoëlan
est fermée, voyant cela,
M.de Limoëlan et ses deux filles quittent Limoëlan qu’il laisse sous
la bonne garde de mademoiselle Belleville et s’en vont à la
Fosse-Hingant. M. de Limoëlan adhère depuis peu au principal réseau
royaliste, jusqu’au jour,
où un courrier compromettant qu’il a échangé avec l’une de ses
filles ne soit intercepté et ne le désigne comme l’ennemi de la République.
Il est arrêté chez son
beau frère Marc Désilles à la Fosse-Hingand, et conduit à la
Conciergerie. Madame de Limoëlan tentera en vain de sortir son époux
des geôles révolutionnaires, inutilement car l’obstination de
Fouquier Tinville enverra Monsieur
à l’échafaud. Une dernière lettre est envoyée à sa famille : « Je vous embrasse mes chers enfants. Dites à vos frères et surtout à notre voyageur lorsqu’il reviendra dans sa patrie que je les ai aimés jusqu’au dernier moment de ma vie. Je ne serai plus heureux que vous ; si mes prières sont exaucées vous serez heureuses dans ce monde et dans l’autre. Consolez votre mère, soyez lui toujours soumises, et ne songez jamais à moi que pour vous réjouir de la grâce que Dieu m’a jamais faite de souffrir la mort pour lui. Votre père qui vous aime tendrement.
De la conciergerie, le 18e
juin à 9 heures du matin
l’an 1793. Remerciez pour moi Mlle Belleville et tous mes gens. » Le
château de Limoëlan est mis sous séquestre dès le 5 mars 1793, quand
aux filles du guillotiné, elles sont expédiées un
certain temps à la prison de Lamballe. Leur frère Nicolas également
emprisonné regagne Limoëlan peu avant de retourner à la clandestinité,
à ses sœurs encore détenues il écrit : « Je
viens d’entrer dans le château de Limoëlan, il est dans le plus
grand désordre possible, les tapisseries ont été même ôtées,
si l’on y prend garde, l’on fera appareiller la maison. » Le 27 juin 1795, Nicolas Picot de Limoëlan faisait partie de ces 5500 hommes, qui sous les ordres de Puisaye débarquèrent à Quiberon, pensant venir à bout des troupes de Hoches. L’aide Anglaise promise par le ministre Anglais Pitt n’arriva jamais afin de seconder les troupes royalistes, et ce fut le désastre. On dénombra un grand nombre de victimes dans ce dernier camp, parmi elles : Nicolas Picot de Limoëlan. Pendant ce temps son frère Joseph est l’un des membres actif d’un réseau chouan, mais il refera parler de lui à son heure venue
Joseph Picot de Limoëlan et sa soeur Marie Thérèse Picot de Limoëlan (Madame deChappedaine)
Libérées
de prison, les quatre demoiselles
de Limoëlan ne regagnent pas le château, et pour cause, il demeure
sous séquestre. C’est
au village de Beaujardin qu’elles suivront la suite des évènements.
Si un certain Jacques-Mathurin Desbois, membre actif du comité de
surveillance de Broons est
parvenu à mettre main basse sur les fauteuils et les vaches à poil
roux de Limoëlan, en revanche, les quatre sœurs, unies comme les cinq
doigts de la main , veilleront
à racheter la terre du domaine. Elles auront connaissance
du coup d’état du 18 brumaire où un certain Bonaparte s’est
proclamé Premier Consul, hors,
ce 24 décembre 1800, celui-ci doit
avec son escorte ce rendre à l’opéra quand tout à coup, une détonation. La suite, ces demoiselles ont appris que leur frère Joseph, est avec ses complices le comte Guillaume Guimard de Saint-Réjeant (1776-1801) de Lanrelas et un certain Carbon, l’auteur de l’attentat. Certes, le Premier Consul n’a pas été atteint, mais sa suite, si. La police de Fouchet est aux aguets, elle parvient dans les jours qui suivent à arrêter deux des suspects mais Picot de Limoëlan est introuvable. Dans
un premier temps, le clandestin parvient à se cacher dans Paris, les
amis de l’oncle jésuite
sont disponibles. Il dépêche un courrier à sa sœur Marie-Thérèse
revenue à Limoëlan : « Ne t’alarme point de tout ce
qu’on dira de moi. Ce seront faussetés. On me dira pris, tué ou noyé. ».
Il charge d’ailleurs Marie-Thérèse d’embrasser Renée, sa jumelle.
Incognito, Joseph rallie le château de Limoëlan où il se cache derrière un panneau amovible
de la bibliothèque. Ces messieurs de Broons se doutent bien
qu’il est revenu à Sévignac, ils viennent souvent perquisitionner,
mais parmi les autorités locales Georges-Mathurin Leclerc et
Monsieur Tirel ne sont ils pas d’anciens magistrats de
l’ancienne seigneurie de Limoëlan. Premier avril 1802, Marie-Thérèse
devenue madame de Chappedelaine prend avec son mari à bord du Richmond.
Ils vont en Amérique recueillir
un héritage providentiel. Ils sont accompagnés de deux de leurs
domestiques : Victorine Aubin, jeune personne de Sévignac âgée
de 19 ans et Pierre Jacques Renier, homme de confiance des Chappedelaine
âgé de 35 ans. En réalité sous cette dernière identité se cachait
l’homme de la machine infernale, Joseph Picot de Limoëlan. Les
Chappedelaine revinrent à Sévignac, tandis que Joseph y demeura. Dans
un premier temps il vécut de peinture, puis il rentra dans les Ordres
en 1812, nommé à Charleston,
il dirigea la communauté religieuse de Georgetown
où il mourut le 29 septembre 1826***. Son nom resta gravé là-bas
comme celui d’un héros. Dans
ses « Mémoires d’Outre-tombe », Châteaubriand relate ses années passées au collège
de Rennes durant
l’année scolaire 1781-1782, où il rencontre notamment l’auteur de
la machine infernale : -« Je rencontrai à ce collège deux hommes devenus depuis différemment célèbres : Moreau, le général, et Limoëlan, auteur de la machine infernale, aujourd’hui prêtre en Amérique. Il n’existe qu’un portrait de Lucile, et cette méchante miniature a été faite par Limoëlan, devenu peintre pendant les détresses révolutionnaires. Portrait de Lucile de Chateaubriand, sœur du grand écrivain d’après Joseph Picot de Limoëlan
Moreau
était externe, Limoëlan pensionnaire. On a rarement trouvé à la même
époque, dans une même province, dans une même petite ville, dans une
même maison d’éducation, des destinées aussi singulières. Je ne
puis m’empêcher de raconter un tour d’écolier que joua au préfet
de semaine mon camarade Limoëlan. Le
préfet avait coutume de faire
sa ronde dans les corridors, après la retraite, pour voir si tout était
bien ; il regardait à cet effet par un trou pratiqué dans chaque
porte. Limoëlan, Gesril, Saint-Riveul et moi, couchions dans la même
chambre : Vainement
avions nous plusieurs fois bouché le trou avec du papier ; le préfet
poussait le papier et nous surprenait sautant sur nos lits et cassant
nos chaises. Un
soir Limoëlan, sans nous communiquer son projet, nous engage à nous
coucher et à éteindre la lumière. Bientôt nous l’entendons se
lever, aller à la porte,
et puis se remettre au lit. Un
quart d’heure après, voici venir le préfet sur la pointe du pied. Comme
avec raison nous lui étions suspects, il s’arrête à notre porte, écoute,
regarde, n’aperçoit point de lumière, croit que le trou
est bouché, y enfonce imprudemment le doigt… Vainement avions nous
plusieurs fois bouché le trou avec du papier ; le préfet poussait le
papier et nous surprenait sautant sur nos lits et cassant nos chaises. Un
soir Limoëlan, sans nous communiquer son projet, nous engage à nous
coucher, et à éteindre la lumière. Bientôt nous l’entendons se lever,
aller à la porte, et puis se remettre au lit. Un quart d’heure après,
voici venir le préfet sur la pointe du pied. Comme avec raison nous lui étions
suspects, il s’arrête à notre porte, écouté, regarde, n’aperçoit
point de lumière, croit le trou bouché, y enfonce imprudemment son
doigt…Qu’on juge de sa colère ! « Qui-est-ce qui a fait cela ?
« s’écrie-t-il en se précipitant dans la chambre. Limoëlan, d’étouffer
de rire et Gesril de dire en
nasillant, avec son air moitié niais,
moitié goguenard : « Qu’est-ce donc monsieur le préfet ? »
Voila Saint-Riveul et moi à rire comme Limoëlan et à nous cacher sous nos
couvertures. On ne put rien tirer de nous : nous fûmes héroïques.
Nous fûmes mis tous quatre en prison au caveau : Saint-Riveul fouilla
la terre sous une porte qui communiquait avec la basse-cour ; il
engagea sa tête dans cette taupinière, un porc accourut et lui pensa
manger la cervelle ; Gesril se glissa dans les caves du collège et mit
couler un tonneau de vin ; Limoëlan démolit un mur, et moi, nouveau
Perrin Dandin, grimpant sans un soupirail, j’ameutai la canaille de la rue
par mes harangues. Le terrible auteur de la machine infernale, jouant cette
niche de polisson à un préfet de collège, rappelle en petit Cromwell
barbouillant d’encre la figure d’un autre régicide, qui signait après
lui l’arrêt de mort de Charles Ier… »
Le colonel du Breil de Pontbriand Un
autre héros séjourna à Limoëlan sous la Restauration, de juillet à
septembre 1815, le colonel
du Breil de Pontbriand, chef de corps de volontaires royalistes, levé
après le retour de Napoléon de l’île d’Elbe. Nous
l’avons vu, Marie-Thérèse Picot de Limoëlan,
fut la seule des quatre sœurs à prendre époux.
Celui dont elle serait la compagne s’appelait Jean Baptiste
Marc Michel de Chappedelaine, né en 1781 à Illifaut.
De leur union six enfants virent le jour : -Marie-Thérèse
de Chappedelaine, née à Savannah en Géorgie le 12 fructidor an X,
elle fut fiancée à son cousin Michel Picot de Limoëlan, mais ce
dernier étant mort en 1824, le mariage n’eut pas lieu ,
Marie-Thérèse s’éteignit à Sévignac, au château de la
Ville-es-Blancs. -Hyacinthe
de Chappedelaine, né à Limoëlan le 4 frimaire an XIII, ancien élève
de polytechnique, il fut élevé au grade de lieutenant-colonel de génie.
Son union avec Louise Le Deux fut sans postérité ; Hyacinthe de
Chappedelaine mourut en 1861. -Edouard
de Chappedelaine né à Limoëlan le 18 janvier 1808, devint
officier de marine (voir Béchardière) -Alphonse
de Chappedelaine, né à Limoëlan le 11 mars 1810,
officier d’Infanterie, Alphonse devint zouave pontifical, il épousa
Louise d’Avoust. Il mourut en 1884. -Léonie
de Chappedelaine, née le 31 mai 1812 à Limoëlan, Léonie épousa
Henri de Carné-Trécesson, propriétaire de la Ville-es-Blancs. (voir
Ville-es-Blancs). Elle mourut en 1878. -Louis de Chappedelaine, né le 26 septembre 1815 à Limoëlan. Comme ses autres frères, Louis embrassa la carrière militaire et participa à la conquête de l’Algérie comme lieutenant au 8e bataillon des chasseurs d’Orléans. Louis Antoine de Chappedelaine
Le
22 septembre 1845, après quatre jours de combats, il est encerclé avec
quarante hommes à Sidi Brahim. Pendant deux jours, sans vivre, sans
eau, ils résistent aux assauts des Arabes, tentent une sortie, emmenant
avec eux sept blessés. Quatorze seulement arriveront au poste français de Djemma. Louis de
Chappedelaine fut tué le jours de ses trente ans, comme l’indique une
plaque apposée sur un
« pin d’Autriche » *** dans le parc de Limoëlan. ***la
plaque rappelle que l’arbre fut étêté
par Louis Antoine de Chappedelaine, chassant le merle avec une carabine.
Maurice
Bonjour de Limoëlan, héritier du lieu s’étant tué accidentellement
au Gué de Rouillac le 2 septembre 1886,
c’est son cousin Edouard de Chappedelaine, propriétaire de la
Béchardière qui hérita de Limoëlan. En effet, Maurice Bonjour
avait épousé l’américaine Marie Stevens, mais leur union fut
sans postérité. Convertie
au catholicisme en 1885, Marie Stevens offrit les candélabres de l’église,
elle aménagea également les fonts baptismaux, et fit preuve
d’une grande générosité envers les pauvres de la commune Nous
l’avons vu à l’article de la Béchardière, Edouard de
Chappedelaine et sa deuxième épouse eurent cinq enfants, l’aîné
des garçons était Alphonse-Louis-Antoine-Edouard né à La
Ville-es-Blancs le 3 mars
1868. Marié le 2 mai 1905 à Campel à Gabrielle Amélie Marie de
Jacquemin Dulphé, Alphonse hérita de Limoëlan, mais leur couple
n’ayant pas d’enfants, Alphonse et Gabrielle adoptèrent pour héritier
leur petit-neveu Bernard de Launay,
actuel propriétaire.
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