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À
quinze ans à peine, aux bancs de Terre-neuve, Pauvres
petits "graviers", pourquoi partez-vous ? Dame
! il le faut ben : notre mère est veuve, Et
l'on n'a plus de pain à manger chez nous ! Quand
vient février, vers les mers lointaines Pauvres
petits "graviers", combien partez-vous On
est, pour le moins, sept à huit centaines Qui
s'en vont là-bas... mais n'en reviennent pas tous ! La
charge complète, à la côte bretonne Pauvres
petits "graviers", quand reviendrez-vous ? Partis
en hiver, on rentre en automne : Nous
ne reverrons plus les étés si doux ! Sortis
des bateaux, le cœur tout malade, Pauvres
petits "graviers", où débarquez-vous ? Entre
le Cap Rouge et l'île Langlade : C'est
l'Île aux-Chiens qu'est notre rendez-vous ! Pendant
les neuf mois que durent les grandes pêches Pauvres
petits "graviers", là, qu'y faites-vous ? Nous
fendons en deux les grosses morues fraîches Les
"ébrouaillons" et leur coupons lecou ! Un
pareil travail doit vitevous abattre ? Pauvres
petits "graviers", quand reposez-vous ? Nous
sommes debout vingt heures sur vingt-quatre, Pour
nous réveiller on nous fou des coups. Mais,
pour ranimer vos forces abattues, Pauvres
petits "graviers", dites, que mangez-vous ? On
nous fait bouillir des têtes de morues... Mais
ça ne remplace pas une bonne soupe aux choux ! Quand
nul ne vous aime et ne vous écoute, Pauvres
petits"graviers", comment vivez-vous ? Nous buvons, d'un coup, quelques boujarons de goutte Et
l'on se croit heureux lorsque l'on est soûls... Mais
en revenant dans vos maisonnées, Pauvres
petits "graviers", qu'y rapportez-vous ? Monsieur
l'Armateur nous paie nos journées À
raison, comme ça, de sept à huit sous !.. Après
tant et tant d'horribles misères, Pauvres
petits "graviers", rembarquerez-vous ? Dame,
oui... nous faisons comme on fait nos pères... Et,
plus tard, nos gâs feront comme nous ! Paroles et musique de Théodore Botrel
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