Les Lunettes de Grand-Mère

                                                                                                                         

                                                                                                      


 I

Un froid matin de janvier

Grand’maman dut s’éloigner

Pour une journée entière :

Me voyant seule au logis,

De leur vieil étui je sortis

Les lunettes de ma grand’mère !

II

Après avoir, gravement,

Longuement, soigneusement,

Bien essuyé chaque verre,

Avec des airs recueillis,

Sur le bout de mon nez je mis

Les lunettes de ma grand’mère !

 

III

Je pris ensuite en main

Le gros paroissien romain,

Pour y lire ma prière …

Et je la comprenais mieux

Depuis que j’avais sur les yeux

Les lunettes de ma grand’mère !

IV

Puis je tricotais des bas

Pour les gueux qui n’en ont pas,

D’une main bien plus légère,

Maudissant les durs hivers

En voyant la neige, à travers

Les lunettes de ma grand’mère !  

V

Puis, enfin, comme un oiseau,

Doucement, dans son berceau

Je berçai mon petit frère

Dont les grands yeux étonnés

S’amusaient de voir, sur mon nez,

Les lunettes de ma grand’mère !

 

 

 

VI

 

Jadis, mon cœur frémissait

Quand maman le caressait …

Adieu ! jalousie amère :

J’adorais mon Yvonnec

Rien que de l’admirer avec

Les lunettes de ma grand’mère !

 

VII

 

Lorsque je dis à maman :

«  Pourquoi ce prompt changement ? « 

Elle répondit : «  Ma chère,

C’est qu’un des rayons ardents

De son grand cœur est resté dans

Les lunettes de ta grand’mère ! « 

VIII

Moralité : pour mieux voir

Mieux comprendre le Devoir

Et nos humaines misères,

Sur nos yeux, trop exigeants,

Mettons les verres indulgents

Des lunettes de nos grand’mères !

 

extrait de "chansons de Jean-qui-chante" ed J. Rueff 1907 -  paroles de Théodore Botrel, musique de André Colomb

 

 

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