Le Voeu

                                                                                                                         

                                                                                                      


 

 

Job, le Terneuvas,

Dimanche, à son gâs

Dit : « Je vas

Pêcher à la Balise…»

L’enfant  répondit :

« Tout seul allez-y

Aujourd’hui

Moi, je vas à l’église !»

Et -vec son enfant triomphant

Qui sera « monsieur Prêtre !-

 

 

Job, le Terneuvas,

Dimanche, à son gâs

Dit : « Je vas

Pêcher à la Balise…»

L’enfant  répondit :

« Tout seul allez-y

Aujourd’hui

Moi, je vas à l’église !»

 

 

Et Job Le Morvan

Partit sans l’enfant

En Grognant

Dans sa moustache grise :

« Je me trompe fort

Ou bien mon Victor

Veut encor

Entrer dans la Prêtrise ! »

 

Mais le temps est beau :

Il saute en bateau

Et, bientôt,

Voilà qu’il lève l’ancre !

Il vogue en rêvant…

Quand, soudain, le Vent

S’élevant,

Tout devient couleur d’encre !

 

Mais le vieux marin

Dit : « Espère un brin

Veille au grain !

Et du cœur à l’ouvrage !... »

Rapide, il a mis

Sa voile au bas-ris

Puis, sans cris,

Il fuit devant l’Orage !

 

 

Il va, Dieu sait où :

Le Flot ivre et fou

Comme un loup

Jappe dans les ténèbres !

Il va, va, toujours :

Des nuages lourds,

Noirs velours,

Pendent des Cieux funèbres !

 

 

 

L’âpre Vent du Nord

Qui hurle à la mort

Couche et tord

Le mât de la gabarre :

Jouant son va-tout

Job amène tout

Et, debout,

Se cramponne à la barre !

 

(Ne seras-tu pas

Bientôt le repas,

Pauvre gâs !

De la Vague gourmande ?

Il est si petiot

Ton frêle bateau,

Matelot…

Et la Mer est si grande !)

 

Non : l’homme éperdu

Se voyant perdu

A tendu

Ses mains vers le Ciel blême,

Criant : « j’en fais vœu :

Mon gâs est à Dieu,

S’Il le veut,

Comme il le veut lui-même ! »

 

Et le Vent calmit

Le Flot s’endormit…

Et Dieu mit

Dans le Ciel une étoile

Qui, devers minuit,

Doucement, chez lui,

L’a conduit,

Sans avirons ni voile !...

 

Et, quand vint le jour,

Le Curé du bourg

Dans sa cour,

Cierge en main, vit paraître

Le vieux Le Morvan

Avec son enfant

Triomphant

…Qui sera « Monsieur Prêtre ! »

 

 

extrait de "chansons de Jean-qui-chante" ed J. Rueff 1907 -  paroles de Théodore Botrel, musique de André Colomb

 

 

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