Oh !
le Vent ! le grand Vent des antiques Forêts !
Il
vient, s’en va, revient, s’en va _ très loin _ tout près
Sous
le couvert du bois, comme un loup qui maraude,
Le Vent rôde !
Dès
que le matin jour paraît, que le Soleil
Entr’ouvre
un peu son œil clignotant et vermeil,
Afin
de m’arracher au sommeil, à l’extase,
Le Vent jase !
Je
crois qu’il est l’ami du pauvre sabotier :
Du
haut du frêle ormeau, du haut du chêne altier,
Sachant
que son refrain me console et m’enchante,
Le Vent chante !
Par
contre, il n’aime pas le rude bûcheron
Qui
dit à sa forêt : « Allons, courbe ton front ! «
La
hache du bourreau déplait à ce grand Prince :
Le
Vent grince !
Il
ne veut pas qu’on touche aux bois où sont blottis
Ses
amis les oiseaux, les grands et les petits !
Le
bûcheron brandit sa cognée … et, sur l’heure,
Le Vent pleure !
Prends
garde, bûcheron ! prends garde au Vent amer,
Quand
il va par les Champs, les Plaines et la Mer,
Frappe !
mais gare à toi, sitôt qu’il fait sa ronde :
Le Vent gronde !
Le
voici, le voici qui s’en vient au galop !
Bûcheron,
n’abats pas cet immense bouleau,
Va-t’en !
car, devant lui, chacun peut fuir sans honte :
Le Vent monte !
Hélas !
il est trop tard ! Pourquoi n’as-tu pas fui ?
Le
Vent terrasse l’Arbre … et te voilà sous lui :
Sans
pitié, pour venger sa forêt abattue,
Le Vent tue !
…
Aussi je crains le Vent comme la voix de Dieu
Et
j’ébauche parfois, troublé comme au Saint-Lieu,
Un
grand signe de Croix quand, à travers l’espace,
Le Vent passe ! …
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