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Pardon, Monsieur le Métayer, Si, de nuit, je dérange Mais
je voudrais bien sommeiller Au fond de votre grange Mon pauvre ami, la grange est pleine Du blé de la moisson Donne-toi
donc plutôt la peine D'entrer dans la maison Mon bon Monsieur, je suis trop gueux Quel gâchis vous ferais-je Je suis pied-nus, sale et boueux Et tout couvert de neige Mon pauvre ami, quitte bien vite Tes hardes en lambeaux Pouilles-moi ce tricot, de suite
De tant marcher à l'abandon J'ai la gorge bien sèche Mon
bon Monsieur, baillez-moi donc Un grand verre d'eau fraîche L'eau ne vaut rien lorsque l'on tremble Le cidre, guère mieux Mon bon ami, trinquons ensemble Goûte-moi ce vin vieux Mon bon Monsieur, on ne m'a rien Jeté, le long des routes Je
voudrais avec votre chien Partager deux, trois croûtes Si, depuis, ce matin, tu rôdes Tu dois être affamé Voici
du pain, des crêpes chaudes, Voici du lard fumé Chassez
du coin de votre feu Ce rôdeur qui n'en bouge Êtes-vous
"blanc" ? êtes-vous "Bleu" ? Moi, je suis plutôt "Rouge" Qu'importe ces mots :
République, Commune ou Royauté Ne
mêlons pas la Politique Avec la Charité. Puis
le métayer s'endormit, La minuit étant proche Alors,
le vagabond sortit Son
couteau de sa poche L'ouvrit,
le fit luire à la flamme, Puis,
se dressant soudain, Il
planta sa terrible lame Dans... la miche de Pain Au
matin-jour, le gueux s'en fut, Sans vouloir rien entendre Oubliant
son couteau pointu Au milieu du pain tendre Vous dormirez en paix, ô riches Vous
et vos capitaux, Lorsque
les gueux auront des miches Où planter leurs couteaux Paroles et musique de Théodore Botrel
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