LA DIME
Impôt
dû au clergé au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime.
Évoquée
dans le Deutéronome, la dîme existe déjà dans la Grèce antique, en
tant qu’offrande volontaire faite à un Temple.
En
France, elle est instaurée par les conciles francs dès la période mérovingienne.
Charlemagne généralise cet impôt sur les produits agricoles (récoltes,
troupeaux), afin de pourvoir à l’entretien des paroisses et de leur
clergé (780, 789, 801).
Des
« décimateurs » prélèvent la dîme dès la récolte ou le produit réalisés
: il s’agit donc d’un impôt « quérable » que les pauliers, chargés
par les décimateurs, perçoivent sur le lieu de la production.
Les
céréales sont imposées en général à la dixième gerbe et
constituent, avec le vin, les « grosses dîmes ». Les fruits et légumes
(dîmes « menues » ou « vertes ») peuvent bénéficier
d’exemptions.
La
dîme sur le croît des animaux est dite « de charnage ».
Seuls
les bois, prairies naturelles et étangs ne sont jamais décimables.
Les
taux d’imposition changent selon les périodes, les régions, les catégories
sociales et les productions concernées.
Différentes
désignations distinguent les dîmes prélevées de longue date («
anciennes », « solites » ou de « droit ») et les dîmes plus récentes
(« novales », « insolites » ou « d’usage »).
Cette
grande diversité favorise les contestations entre les décimateurs et
les contribuables, et entre les décimateurs eux-mêmes, puisque les
ressorts et la nature de la dîme sont matières à d’infinies
controverses.
La
fin du XVIIIe siècle est ainsi marquée par l’arrêt du Parlement de
Rouen (1784) selon lequel seules les dîmes portant sur les céréales
principales sont solites : les décimateurs doivent, pour toutes les
autres productions, prouver que la propriété est plus que
quarantenaire.
Tous
les propriétaires sont soumis à la dîme : les nobles, le roi et les
religieux eux-mêmes, à l’exception de quelques ordres, comme les
cisterciens.
Le
produit perçu par les décimateurs est théoriquement divisé en trois
parties : un tiers pour l’entretien de l’église paroissiale, un
autre pour le desservant de la paroisse, le dernier pour les pauvres.
Rapidement, les évêques détournent à leur profit une large partie de
la dîme.
De
même, dès le IXe siècle, certains seigneurs récupèrent les dîmes
perçues dans leur seigneuries, en échange de leur protection.
Les
monastères aussi s’octroient celles issues des paroisses auxquelles
ils appartiennent : l’abbaye de la Chaise-Dieu prélève ainsi des dîmes
dans plus de trois cents paroisses. Les dîmes allouées à ces
seigneurs, laïcs et monastiques, sont dites inféodées. En principe,
ceux-ci doivent prouver qu’ils les tiennent de manière immémoriale
ou produire un titre de propriété antérieur au concile de Latran III
(1179) qui a inscrit la dîme dans le droit canon.
Ne
reste donc qu’une minorité de paroisses qui touche les revenus des dîmes,
alors que cet impôt constitue la majeure partie du revenu de la
cure.
En
définitive, la portion réservée aux desservants se réduit à la «
portion congrue » que leur reversent les gros décimateurs ; alors que
celle affectée au soulagement des pauvres disparaît, au point que le
Dauphiné, en 1564, peut se montrer généreux en accordant aux pauvres
des hôpitaux, 1/24 du produit de la dîme.
Des
édits, en 1695 puis 1761, tentent vainement d’imposer aux décimateurs
une partie de l’entretien des bâtiments religieux et des ecclésiastiques
; de nombreux procès s’ensuivent, comme l’assemblée des notables
de 1787 qui dénonce les imperfections du système.
Le
clergé, en renonçant à ses privilèges au début de la Révolution
française, le 11 août 1789, abandonne en même temps son droit de
percevoir cet impôt séculaire, qui est définitivement aboli sous la
Convention.
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