Par Maurice
OREAL (juin 2001)
Ce que vous appelez le droit d'aînesse doit en fait
correspondre à ce qu'on appelle plus souvent le "partage
noble", car il concernait essentiellement cette catégorie de
population. Voici ce qu'en dit Jean GALLET dans son excellent ouvrage
"La Seigneurie Bretonne (1450-1680)": "Le partage noble avait une importance particulière en Bretagne; il
servait de preuve de noblesse. Ses modalités en sont bien connues pour le
XVIIIè siècle, elles différaient au XVè siècle. Le droit était alors fixé par le Texte de la Très Ancienne Coutume, qui
reprenait sans les modifier, les dispositions de l'Assise du Comte
Geffroy, du XIIè siècle (1185), ainsi que les décisions de 1205 et de
1301. L'originalité du droit de l'époque tenait aux faveurs particulièrement
importantes accordées à l'aîné, dans les familles qui partageaient
selon l'Assise. D'après les dispositions de celle-ci, l'héritier
principal recevait la totalité de la succession des parents. Le père ne
pouvait démembrer son fief. Les puisnés ou "juveigneurs",
n'avaient aucun droit et devaient s'en remettre à la générosité de
l'héritier principal. De son côté, cet héritier avait des devoirs vis
à vis de ses juveigneurs : il devait les entretenir et leur permettre de
vivre selon leur qualité, notamment de conclure un mariage honorable. Pour partager ses
juveigneurs, l'aîné pouvait leur accorder des sommes
d'argent et des rentes viagères, ce qui n'amputait pas le patrimoine
territorial. L'aîné pouvait aussi amputer ce patrimoine, c'est-à-dire qu'il pouvait
donner des terres en propriété à ses juveigneurs. Dans ce cas, il avait
deux possibilités. Ou bien il faisait une donation pure et simple à son
cadet et à ses héritiers. Ou bien, et c'est ce qui s'appelait proprement
dit la juveignerie, il concédait une terre à son juveigneur en le
recevant à ma foi et à l'hommage; le juveigneur devenait ainsi l'homme
de l'aîné; il tenait sa terre en juveignerie ou en "ligeance";
la terre tenue en juveignerie se disait en parage et ramage : en parage
parce que l'aîné et le cadet avaient le même seigneur supérieur; en
ramage parce que les deux appartenaient à la même famille; lorsque la
terre sortait de la famille, elle restait toujours tenue en juveignerie
mais en juveignerie simple, sans ramage. La concession de terre en
juveignerie créait donc des relations féodales particulières. Peut-être d'origine galloise, cette règle était aussi en vigueur en
Normandie et en Anjou. On ne la confondra pas avec la juveignerie des
roturiers dans les usements de Rohan, Rellec, Corlay et Begar qui, au
contraire, accordaient tous les avantages au dernier-né. Les dispositions de l'Assise en faveur de l'aîné devaient restreindre le
démantèlement des fiefs; ceux-ci devaient rester assez importants pour
permettre à l'aîné de remplir ses obligations militaires. Normalement
elles ne concernaient que les seules familles titulaires de baronnies ou
de fiefs susceptibles de fournir des cavaliers armés." Toutes ces dispositions avantageant l'aîné disparurent dans les textes
avec le code napoléonien.
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