Mise à jour le : 17/04/05

Remonter

 

Lorsqu’on aborde cette question très vaste, il faut faire plusieurs parts dans l’histoire des finances bretonnes.

Période ancienne allant jusqu’au milieu du XIVe siècle.

Les recettes fiscales de cette époque peuvent s’étudier à partir des comptes de 1265 et dans les comptes des exécuteurs de Jean le Roux rendus de 1287 à 1291 et qui ont fait l’objet de publications par A. de La Borderie dans son « Recueil d’actes inédits des ducs de Bretagne ».

Ces recettes, qui étaient essentiellement celles du domaine ducal, consistaient en :

  • la taille,

  • le produit des rachats,

  • le produit des ventes,

  • les actes des cours de justice, les brefs de mer et le bris des navires,

  • des fermes diverses,

  • les rentes perçues en nature,

  • le prix de vente de certains produits (bois, blé, bestiaux, chevaux…),

  • les droits perçus dans les marchés ou sur les transports des marchandises, cohuage (droit d’étalage payé par les commerçants dans les cohues, sortes d’édifices en bois à toit surbaissé qu’on trouve dans de nombreuses villes et qui sont les ancêtres de nos halles actuelles), étalage, minage, etc…

  • le seigneuriage qui était un droit sur la fabrication des monnaies.

Ce qui est intéressant à noter dans ces impôts anciens, c’était leur caractère de fixité qui interdisait donc tout relèvement arbitraire de la part du pouvoir souverain et qui associait ce dernier aux aléas de la vie économique. Ainsi, par exemple, les années de fortes récoltes étaient génératrices de fortes rentrées pour les finances ducales et, à l’inverse, celles-ci subissaient des ressources moindres les années de disette.

Autre remarque : ce type de ressources qui était appliqué au domaine ducal était aussi celui en vigueur dans toutes les seigneuries de moindre importance disséminées sur tout le territoire breton.

Période allant du milieu du XIVe siècle à l’Acte d’Union entre la Bretagne et la France

Nous rentrons dans la période de notre Histoire qui supporta les turbulences résultant de la guerre de succession de Bretagne, lesquelles entraînèrent une forte augmentation des besoins de l’Etat. et obligèrent les ducs à se créer des ressources nouvelles pour entretenir leurs armées. On vit alors apparaître de véritables impôts publics, perçus au profit du duc seul, les autres seigneurs de moindre importance en étant privés.

Ces impôts furent :

  • le fouage,

  • l’aide des villes,

  • les droits d’entrée et d’issue,

  • l’impôt sur les vins,

  • le billot (taxe sur la consommation de vin, cidre, bière, eau-de-vie …),

  • et quelques taxes de moindre importance.

Au XIVe et au XVe siècle, les ducs de Bretagne eurent donc des ressources de deux sortes :

  • celles que nous avons citées pour la première période et qui provenaient de leur domaine. On les appelait les « Recettes ordinaires » à cause de leur régularité et de leur fixité ;

  • les impositions publiques qui étaient appelées « Recettes extraordinaires », parce que, au moins au départ, elles n’étaient établies que pour répondre à des besoins passagers et sans périodicité précise.

Période post Union

Le traité d’Union, intervenu en 1532 et qui scellait le rattachement de la Bretagne à la France, avait prévu, entre autres dispositions, que les droits, libertés et privilèges du pays seraient gardés et maintenus et aussi qu’aucune somme de deniers ne pourrait être imposée aux Bretons si, préalablement, elle n’avait été demandée aux Etats de la province et acceptée par eux. Théoriquement donc, la fiscalité qui prévalait avant l’Union était conservée. Nous disons « théoriquement » car, en réalité, le pouvoir royal, toujours à court d’argent pour financer ses guerres et autres dépenses, n’eut de cesse de réclamer régulièrement de nouvelles taxes qui amenèrent pendant les trois siècles qui suivirent de fréquentes tensions entre lui et les États.

C’est ainsi que, contrainte et forcée, la Bretagne se vit souvent imposée de nouvelles ponctions qui s’ajoutèrent aux anciennes. Tantôt exceptionnelles, tantôt permanentes, elles créaient un mécontentement d’autant plus profond dans les populations que les exactions fréquentes des agents du fisc royal n’amélioraient pas la situation. Il s’ensuivit, parfois, des mouvements de révolte dont celle, dite du « Papier timbré », est l’exemple le plus connu.

Parmi ces impôts nouveaux figure, entre autres, la capitation qui est certainement le plus important et qui sera étudié plus loin.

Parmi toutes les recettes évoquées pour chacune des différentes périodes ci-dessus, certaines méritent un développement plus particulier :

  • soit en raison de leur caractère spécifique,

  • soit parce qu’elles représentaient l’essentiel des ressources du pouvoir souverain.

Ce sont :

La Taille

Nous ne citons celle-ci que pour mémoire car la Bretagne n’étant pas ce qu’on appelait un « Pays de Taille » ; contrairement à la France, ce prélèvement n’intervenait que pour très peu dans les ressources publiques de notre province.

Elle faisait partie comme élément principal d’un groupe de taxes perçues par le prince et qui portaient le nom collectif de « droit du comte ». Héritée du Moyen-âge, elle se rencontra en Bretagne à toutes les époques et existait encore dans certains endroits au XVIIe siècle mais ne représentait plus, alors, qu’une source insignifiante de revenus, n’étant plus réduite depuis longtemps qu’à l’état de recette domaniale. Cela étant, à son origine, elle revêtait le caractère de l’impôt. C’était une contribution demandée aux habitants en vue des intérêts généraux et non pas une redevance de nature contractuelle promise par une personne à une autre à l’occasion d’une tenure.

Comme elle était destinée à payer des dépenses militaires, toutes les classes de la population la supportaient en dehors des gens de guerre et elle était due aussi bien par les villes que les campagnes.

Étant affectée à un service public, elle ne se payait primitivement qu’au prince qui, en Bretagne, était le duc ; mais, par la suite, par l’effet du partage des seigneuries à l’occasion de successions, certains barons se trouvèrent en possession du droit de la lever ; mais, cela resta très limité et il ne semble pas que les seigneuries de moindre importance aient un jour bénéficié de ce privilège.

Par contre, il est assez fréquent de la voir levée par des seigneurs ecclésiastiques sur leurs domaines. On cite des cas à Quimper, Quimperlé ou encore les abbayes de Redon ou de Landévennec.

Elle était périodique et se levait, en général, deux fois par an. On la nommait, suivant les lieux et suivant le mois où elle se levait : taille de mai, taillée de janvier comme à Locmaria, ou censie et demande d’août comme à Morlaix.

Mais, encore une fois, cet impôt qui au fil du temps, était devenu insignifiant, ne mérite pas qu’on en fasse un développement supplémentaire.

Le fouage

C’était l’impôt par excellence car il représentait la plus grande ressource financière des ducs de Bretagne. Sous François II, il formait, à lui seul, environ les deux tiers de la recette totale. Et pourtant, son institution n’était pas très ancienne. Le premier fouage que nous connaissons est celui consenti par les États au duc Jean IV en 1365.

C’était un impôt direct qui se percevait à l’aide de registres nominatifs. Un seul de ces registres du temps des ducs nous est connu, c’est celui de 1426, gros volume de 237 feuillets de parchemin qui se trouve aux AD 44 sous la cote B 1148.

L’unité imposable était le feu, du mot latin focus et qui a donné le nom de fouage à l’imposition.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le feu n’était pas une maison habitée mais un groupe de maisons. Au XVe siècle, il fallait trois chefs de ménage roturiers, défalcation faites des personnes exemptes de fouage, pour faire un feu.

Un taux était appliqué à chaque feu  ; le montant de ce taux a beaucoup varié selon les époques et en fonction des besoins plus ou moins grands du pouvoir central.

Le fouage n’avait pas un caractère épisodique fixé une fois pour toutes.. Le premier, au taux d’un écu d’or par feu, n’avait été accordé par les Etats que pour une année seulement et, pendant les quelques années qui suivirent, on n’en entendit plus parler. Il réapparut en 1372, ainsi qu’en 1373, au même taux que précédemment. Puis, plus rien jusque vers 1391 où on trouve deux fouages, l’un au taux de 25 sous, l’autre à celui de 10 sous par feu.

Ce n’est qu’à partir du XVe siècle que cette contribution est rentrée dans les mœurs et devient à peu près périodique.

Étaient exemptés des fouages, les clercs et les nobles. Ces derniers bénéficiaient de l’exonération du fait qu’en vertu de leur statut ils étaient soumis à l’obligation militaire vis-à-vis de leur suzerain et payaient donc ce qu’on appelait « l’impôt du sang » ; mais encore fallait-il que leur noblesse soit pure de toute dérogeance... C’est une ordonnance du duc Pierre II du 18 décembre 1456 qui fixa les conditions d’application de cette disposition. Elle est d’ailleurs assez curieuse car elle montre bien la situation d’indigence dans laquelle bon nombre de nobles, cadets ou cadets de cadets vivaient, réduits à rien ou pratiquement rien, en vertu du droit d’aînesse qui, depuis l’Assise du Comte Geoffroy en 1185, attribuait la majeure partie d’un héritage noble à l’aîné dit « héritier principal et noble ». C’est ainsi, par exemple, que si un noble se livrait au commerce de gros, il n’était pas imposé. Par contre, s’il se livrait au commerce « par le menu », c’est-à-dire en faisant le commerce de détail, il dérogeait et donc devenait imposable. De même, s’il labourait lui-même les terres de son propre héritage, il échappait à l’impôt. Par contre, si pour survivre, il louait ses services à d’autres pour faire des labours ou s’il achetait des bestiaux pour aller les revendre à la foire, là encore, il dérogeait et devait payer le fouage. On est là bien loin de l’image d’Epinal qu’ont bon nombre de nos contemporains et qui ont tendance à ne voir dans la noblesse d’autrefois que des privilégiés pleins de morgue, ripaillant et festoyant à l’abri de leurs châteaux, sur le dos de leurs métayers.

En dehors de cette noblesse dérogeante, ne payaient donc les fouages que les roturiers ; mais, même chez ceux-ci, il y avait encore de nombreuses exceptions. Par exemple, les « Bonnes villes de Bretagne » étaient exonérés ; mais, encore convient-il de noter que la franchise ne bénéficiait qu’aux habitants logés à l’intérieur des murs et en aucun cas à ceux habitant les faubourgs. Cette exonération pour les villes n’avait, d’ailleurs, pas été appliquée pour toutes en même temps et leur franchise résultait plutôt de concessions isolées et successives. C’est ainsi qu’avant 1399, trois villes seulement en profitèrent… à savoir : Hédé, Ploërmel et Saint-Renan. Pour les grosses villes qu’étaient Nantes et Vannes, l’affranchissement ne date que de 1407. Pour Rennes, la date n’est pas exactement connue mais elle est postérieure à 1427. Certaines villes ne furent même jamais exemptées telles Guérande, Brest, Saint-Pol-de-Léon, Tréguier, Quimperlé. A l’inverse, certaines localités, qui ne méritaient pas le nom de ville, furent exemptées : Marcillé, Rostrenen, Jugon, le Faou, la Roche-Morice.

Pour les villes qui étaient exemptées, la franchise n’était toutefois pas totale ; car, en contrepartie de leur privilège, elles étaient tenues de verser au duc une « aide » chaque fois que celui-ci levait un fouage. Cette « aide » fera l’objet d’une rubrique plus loin..

Ainsi donc, le fouage était réservé aux habitants des campagnes, des faubourgs des villes et des petites bourgades ou des villes qui n’avaient pas été affranchies. Mais, même là encore, il y avait des exemptions. Une mesure générale exonérait les « praticiens ». Par là, il faut entendre les avocats. Plus tard, un texte y joignit les notaires et les changeurs ; mais, pour ceux-ci, on savait les retrouver à l’occasion pour les solliciter à un autre titre. Certaines régions privilégiées ne payaient pas le fouage. C’était le cas des pays frontaliers avec le Poitou et l’Anjou ou encore pour quelques régions forestières. Enfin, les ducs accordaient assez souvent des lettres de franchise à des roturiers, sans les anoblir. Il s’agissait alors d’exemptions viagères, c’est-à-dire la vie durant pour les bénéficiaires. Elles étaient, généralement, dues à une cause charitable ou politique et, quand elles intervenaient, le duc consentait ce qu’on appelait un rabat sur les fouages dus par la collectivité à laquelle appartenaient les intéressés.

Le produit des fouages était recueilli par des receveurs spéciaux en dehors des receveurs ordinaires du duc. Chacun d’entre eux était chargé particulièrement d’un ou plusieurs évêchés et était, dans tous les cas, comptable de ses recettes devant la Chambre des comptes de Bretagne.

A l’intérieur de chaque paroisse, le fouage était réparti par les paroissiens eux-mêmes. Le nombre des feux de la paroisse étant connu et fixé d’avance ; il était donc aisé, en appliquant le taux imposé sur le nombre des feux qui la composait, de déterminer et de connaître sa contribution globale. La répartition par feu était, par contre, beaucoup plus difficile car tous les feux n’étaient pas imposés également pour tenir compte le plus possible des situations individuelles des familles les constituant. Pour faire cette répartition, on nommait donc, pris parmi les paroissiens, ce qu’on appelait les « esgailleurs des fouages » dont on imagine que le travail ne devait pas être facile et devait entraîner de nombreux palabres. Pour couvrir les frais du fouage, on avait l’habitude d’ajouter 1 sou par livre. Ainsi, un fouage de 7 livres 7 sous faisait rentrer dans la cassette ducale 7 livres nettes, les 7 sous supplémentaires étant absorbés par les frais.

Le fouage se levait généralement en deux fois à quelques mois de distance, par exemple l’un en septembre, l’autre en janvier.

Tout impôt, quel qu’il soit incite à la fraude. C’est vrai aujourd’hui, c’était vrai hier. Par sa nature, le fouage n’échappait pas à la règle ; au contraire, car les causes d’exemptions et les moyens de s’y soustraire étaient trop nombreux... Certains se faisaient passer pour clercs, d’autres pour nobles. Quant aux paysans, leur procédé favori était de se déclarer métayers de gentilshommes, même si la terre qu’ils exploitaient n’était pas noble (une terre noble était une terre exemptée de fouage). D’autres, à l’instar de certains de nos contemporains qui recherchent des paradis fiscaux, se créaient un domicile fictif dans une ville exempte de l’impôt et, bien sûr, refusaient de payer celui auquel la paroisse où étaient situées leurs terres était assujettie. Certains adoptaient même la manière forte en effrayant les fabriciens pour se faire rayer des rôles de la paroisse tenus par ces derniers. On en achetait d’autres pour se faire exempter.

Le procédé le plus redouté par le pouvoir ducal était l’usurpation de la qualité nobiliaire car celle-ci entraînait un affranchissement définitif de toute la lignée. C’est la prise de conscience du danger que cela représentait qui amena le pouvoir souverain à faire la chasse aux fraudeurs de ce type en organisant, périodiquement, ces fameuses réformations de la noblesse qui eurent lieu tout au long du XVe siècle et pendant une partie du XVIe. Certaines eurent lieu, d’abord à la demande des paroisses dont certains habitants - qui eux, payaient le fouage - s’estimaient lésés par l’attitude d’autres qui y échappaient indûment… Par la suite, les demandes des paroisses affluant, le système se généralisa, la plupart du temps au niveau de tout un évêché… Toutes ces réformations avaient, bien sûr, le même objectif qui était celui de traquer les fraudeurs. Pour ce faire, le pouvoir ducal nommait des commissaires chargés de se rendre dans les paroisses. Ces dernières choisissaient en leur sein un certain nombre de seigneurs locaux et de roturiers qui étaient désignés pour assister les dits commissaires en qualité de rapporteurs ou de témoins. Enfants du pays, ils étaient en effet mieux à même que les commissaires, lesquels étaient étrangers à la paroisse, de renseigner les magistrats : les seigneurs, parce qu’ils étaient propriétaires en grande partie du sol des paroisses, les seconds parce qu’en qualité de collecteurs, tailleurs ou égailleurs des fouages, ils connaissaient mieux que quiconque les tenants et aboutissants de toutes les querelles, les causes de tous les procès et qu’ils tenaient en main tous les fils des questions d’exemption en litige. Ces comités ainsi formés, épluchaient les rôles des paroisses, écoutaient les doléances des uns et des autres, les plaintes des contributifs et les prétentions des exempts ; à la suite de quoi étaient modifiés le nombre des feux réels et rayés de la liste des exemptés une quantité de soi-disant nobles, anoblis, sergents ou autres personnages qui vivaient en grande partie aux crochets des contribuants.

Ces réformations sont généralement considérées comme ayant été faites très sérieusement et le fait qu’une famille y ait comparu et y ait été maintenue dans son exemption fit partie plus tard des preuves admises pour défendre les prétentions des candidats en maintien de noblesse lors de la grande réformation générale du royaume en 1668. Une exception, toutefois, pour la réformation de 1536 dont la Chambre de réformation royale décida de ne pas tenir compte en raison de son caractère peu fiable.

L’aide des villes

C’était un impôt direct qui se levait exclusivement dans les villes et localités exemptes de fouages. On le désignait sous le nom de « aide des villes non contribuantes à fouages » ou, plus brièvement, « aides des villes ». C’était donc un impôt substitutif au fouage mais avec le gros avantage qu’il était très nettement inférieur à ce que ces villes ou localités auraient payé si elles avaient été imposées au système de fouage classique en fonction du nombre de feux les composant.., auquel cas, elles auraient payé des sommes énormes. Prenons, par exemple, le cas de Cleder qui était constitué de 94 feux. En 1488, le fouage était de 6 livres 6 deniers par feu. Donc la paroisse devait supporter au total environ 566 livres d’impôt. Or, dans le même temps, une ville moyenne comme Vitré, nettement plus peuplée que la paroisse précédente, n’avait à payer au titre de l’aide de ville que 300 livres. Les deux villes les plus imposées, Rennes et Nantes ne devaient, quant à elles, que respectivement 2000 et 1600 livres, ce qui correspondait à des impôts qui auraient été payés par des paroisses rurales de 332 et 265 feux.. L’aide des villes était donc une contribution bien faible par rapport à celle due par les campagnes.

Cette aide était demandée, non pas aux bourgeois des villes exclusivement, mais à tous les habitants qu’ils soient prélats, barons, chevaliers, écuyers, avocats, bourgeois et autres habitants. Les officiers du duc s’adressaient directement aux particuliers et leur demandait une somme proportionnelle à leur fortune.

Ce n’était pas le duc qui fixait le montant des aides mais les États qui en accordaient le montant global... Le Conseil du duc, à la suite, définissait la part qui serait affectée à chaque ville. Il avait la possibilité d’en abaisser le montant en accordant des remises, mais jamais de le surélever.

Au début, il n’y avait aucune fixité, que ce soit dans la liste des villes imposées ou dans la quote-part revenant à chacune. Ce n’est qu’à partir du règne du duc François II qu’une certaine constance intervint dans la liste des villes contribuantes, mais la contribution de chacune continua a être définie par le bon vouloir du duc après d’âpres négociations en vue d’obtenir des remises par les contribuantes.

Pour la perception, les services du duc envoyaient un mandement au procureur de chaque ville qui en faisait « l’esgail et l’assiette ».

Impositions sur les ventes des boissons

Au XVe siècle et après, existèrent sur la vente des vins en détail, deux espèces de taxes. L’une s’appelait l’impost ou devoir d’impost, l’autre le billot ou appetissement

Le devoir d’impost était une imposition générale, perçue sur tout le duché et qui venait grossir les recettes ducales. Comme le fouage ou l’aide des villes, il était établi avec l’accord des États.

Le taux était fixé de deux façons différentes suivant qu’il s’agissait de vin breton ou de vin étranger, ce dernier payant toujours double par rapport au premier. Les taux ont beaucoup varié suivant les besoins du trésor ducal.

L’impôt frappait non seulement le vin mais également le cidre et tous les autres breuvages.

Assez souvent, le duc accordait des dispenses en consentant par exemple l’achat d’un certain nombre de pipes avec remise des droits. D’autres fois, on permettait à des marchands de vendre un certain nombre de pipes par an sans payer l’impôt.

La collecte de l’impôt n’était pas faite directement par les services du duc, mais elle s’affermait. Le duc en confiait le recouvrement à des fermiers (rien avoir avec les exploitants agricoles portant ce nom) ; lesquels s’engageaient à fournir telle somme au budget, moyennant quoi, il leur incombait de se rembourser en faisant payer les redevables. S’ils percevaient plus qu’il n’avaient promis au duc, ils tiraient bénéfice du surplus. S’ils percevaient moins, ils en étaient de leur poche. On comprend, dès lors, pourquoi ces fermiers étaient honnis de la population car, pour rentrer dans leurs fonds, il n’était pas rare de les voir se livrer à des exactions de toutes sortes.

L’affermage se faisait pour un an et pour chaque évêché. L’adjudication avait lieu en octobre et la ferme partait du 15 novembre suivant.

Outre l’impôt ci-dessus, qui était une recette pour le duché et plus tard pour le pouvoir royal, il existait un certain nombre d’autres taxes sur les vins qu’on appelait droit de cloison, d’appetissement ou de billot. Ce n’était pas des impôts à proprement parler car, en fait, elles étaient perçues localement dans certaines villes et banlieues pour l’entretien de leurs murailles. C’étaient donc plutôt ce que nous appellerions maintenant des taxes locales qui se levaient sur simple délibération du Conseil des dites villes.

Droits d’entrée et issue

Il s’agissait de droits de traite sur l’entrée et la sortie des marchandises. Même si on connaît quelques cas par-ci, par-là depuis au moins 1248, c’est surtout le duc Jean IV qui organisa le système de ces taxes et en fit une importante source de revenus pour le duché, alors que, dans les périodes antérieures, ces prélèvements étaient essentiellement le fait des seigneurs locaux.

Il ne semble pas que le Parlement général soit jamais intervenu pour la création de ces droits. C’est plutôt le duc lui-même qui les instituait, d’autorité dans les ports qui lui appartenaient, et en accord avec le seigneur du lieu pour les autres.

Des droits analogues existaient sur les marchandises entrant ou sortant du duché par voie terrestre et ces traites étaient de plusieurs sortes suivant les marchandises. Par exemple, il y avait des traites de poissonnerie, d’épices, de mercerie, etc…

Les marchandises payaient toujours plus cher à la sortie qu’à l’entrée en vertu d’un vieux principe qui voulait que l’exportation des choses utiles à la vie était dangereuse.

Ici encore, la perception de ces droits était affermée.

La Capitation

Il s’agissait là d’un impôt royal car, au moment où elle commença à être perçue, la Bretagne était déjà depuis longtemps rattachée à la France et ceci depuis le pacte d’Union qui, rappelons le, avait été signé en 1532.

Ce fut la nécessité qu’il y avait à pourvoir aux frais de la guerre contre la Ligue d’Augsbourg qui en fut à l’origine. Elle fut établie par une déclaration du 18 janvier 1695. Selon les dispositions de celle-ci, les contribuables furent divisés en 22 classes d’après leurs revenus présumés. La première était taxée à 2000 livres, la 22e à 20 sous. Les revenus étaient déterminés d’après la qualité ou la profession des personnes. Les premières classes ne comprenaient que quelques grands personnages. Le Dauphin venait en tête de la première. Dans la septième, taxée à 250 livres, on trouvait les marquis, les comtes, les barons, etc... La 11e classe, imposée à 100 livres, comprenait, entre autres, les maires des grandes villes et les marchands en gros. Dans la 15e, pour 40 livres, on trouvait les prévôts des maréchaux, les gentilshommes possédant fiefs et châteaux. Dans la 16e, pour 30 livres, étaient regroupés les professeurs de droit ainsi que les gros marchands tenant boutiques. La 19e, avec 6 livres, concernait les capitaines et majors d’infanterie ainsi que les gentilshommes n’ayant ni fiefs ni châteaux. Les sergents d’infanterie, les archers de la maréchaussée, les artisans des bourgs et villages composaient la 21e. Enfin, les soldats, matelots, manœuvres et journaliers fermaient le ban dans la 22e.

La capitation se leva d’abord en Bretagne sur la base de 1.400.000 livres jusqu’en 1698, date à laquelle elle fut supprimée pour tout le royaume. Une nouvelle déclaration du 12 mars 1701 la rétablit et, en août, les États en acceptèrent l’abonnement à 2.000.000 par an avec 100.000 livres de frais. Ce chiffre fut réduit à 1.800.000 livres en 1717. En 1718, l’abonnement (forfait annuel qui était négocié par les finances royales avec les États) cessa et la capitation fut levée par l’intendant sur le pied de 1.400.000 livres. En 1734, le roi la reporta à 1.800.000 livres en proposant l’abonnement aux États qui l’acceptèrent. La capitation fut un impôt permanent à partir de 1701 jusqu’à la Révolution..

Maurice OREAL

Sources principales consultées :

Histoire des Institutions de la Bretagne par Marcel PLANIOL

La Seigneurie Bretonne 1450-1680 par Jean GALLET

Seigneurs et paysans en France de Jean GALLET

La Noblesse Bretonne aux XVe et XVIe siècles – Réformations et Montres, par le Comte René de LAIGUE.

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